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 Eclipse totale du 11 août 1999 

Le 10 au soir, on se retrouve au nombre de 12 (Eric et Léo, Anne, Béatrice, Eric, Emilie, Laurent, Claude, Jacqueline, Nathalie, Delphine et votre narrateur), chez Claude à Paris pour faire la route le soir même. On veut être sur place pour l'événement, en campant cette nuit. On choisit, grâce à des infos météo, un point de chute sur la ligne de centralité : Lassigny (ça ressemble au nom d'un lieu qu'on connaît bien...). Pique-nique d'intérieur. L'inertie du groupe est grande. Le sujet semble tabou.

Départ 23h de Paris. 1h de route. Arrivée au pied de l'église. Choix d'un belvédère à quelques kilomètres, vu par Eric F sur la carte. On y va : des passionnés sont déjà là, terrain boueux sans herbe. Les voitures et les pieds ont trop tendance à s'embourber.

On est sur le point de repartir ailleurs quand 2 curieux parmi nous (Eric Q et Laurent) trouvent, derrière un remblai en contrebas, une grotte / carrière énorme. Super, on se pose finalement sur un terrain sec, à l'abri. Humide et froid, mais bon. Repas, soirée jusqu'à 4h. Un ours niché proche de nous ronfle toute la nuit. Tandis qu'un zombi ressemblant à Eric Q déambule presque sans bruits, en fumant. C'est mal foutu ces grottes !

Réveil à 9h. L'ours se réveille à 9h15. On s'aperçoit que c'est l'un des nôtres qui avait en fait retrouvé ses instincts ancestraux, dans ce lieu primitif... Tiens Laurent, on pensait qu'un ours t'avait dévoré pour te piquer ton duvet !

Jeté d'yeux à l'extérieur : temps noir de nuages et pluvieux. Par ordinateur (avec antenne et tout et tout) et téléphones portables, on se renseigne sur la météo. L'ordinateur n'a pas pu se connecter. C'est vraiment mal foutu ces grottes ! N'est-ce pas Claude ? Françoise F, à Beauvais, nous dit qu'il fait beau avec des nuages. Un autre, Arnauld au loin, nous conseille d'aller à l'ouest. Choix de rester sur la ligne et de partir vers l'ouest.

Départ à 10h. Petit détour par Lassigny (récupération d'amis de Jacqueline).

20 km plus loin (Montdidier), même temps dégueulasse, un peu plus clair. Mais le soleil n'est toujours pas visible. Ma plus grande crainte depuis plusieurs mois et surtout depuis quelques jours commençait à se concrétiser.

On s'arrête. Il est 11h20. L'éclipse est commencée depuis 15 minutes et on ne voit toujours rien. Anne est inquiète... On discute, décision importante (le temps nous est compté) : on pousse encore 20 km vers l'ouest (Breteuil). Si le temps est pareil, on descend à Beauvais, éloigné de la ligne, éclipse totale plus courte, mais c'est mieux que rien.

On repart. Les téléphones portables ne fonctionnent pas à tous les coups, surtout celui de Delphine, (ils se faisaient tranquillement findumonder !). Sur la route, on voit devant nous à gauche, une trouée de ciel bleu. Espoir. Vite, c'est là qu'il faut aller, merde, impossible de soumettre l'idée à la voiture de tête. On tourne à gauche, on se dirige dessus. Merci, Eric F. Les routes ne sont pas encombrées et nous permettent de nous rapprocher facilement de la trouée.

11h30, les conducteurs et conductrices entendent les autres, lunettes à la main : on voit le soleil par moments, Houa, on voit un croissant de soleil, il est déjà bien entamé en haut à droite.

11h35, passage à niveaux, voitures stoppées. Les trouées sont furtives mais tout le monde peut voir l'éclipse partielle par intermittence. On repart.

11h40, la trouée est très grande. On va y arriver. Bizarre, depuis notre départ, tous les gens scotchés au bord de la route et dans les champs n'ont pas l'air d'avoir envie de trouver de meilleures conditions d'observation. Les derniers que l'on croise sont pourtant si proches...

11h45, reste les derniers nuages très ténus à dépasser.

11h49'45" Une voiture s'arrête, Laurent ne tient plus (pas pour le petit besoin, mais pour regarder). On reprend les voitures pendant 15 secondes (le besoin de Laurent était vraiment très pressant).

11h50, on s'arrête, on est sur le lieu idéal (sur une route bordée de champs, entre Noyers-St-Martin et Reuil-sur-Brêche, au-dessous de Breteuil). Le ciel est bleu et surtout, la trouée ne bouge pas. Seuls des petits nuages bas se déplacent à toute vitesse. On la tient, notre éclipse. Le soleil est aux 3/4 mangé et la lumière du paysage est assombrie. Clarté étrange.

12h, oh, regardez, une biche ! Elle s'éloignait à découvert en sautillant.

12h10, la température a chuté. La lumière aussi. Le croissant de soleil est très aminci.

12h15, il fait sombre, il fait de plus en plus froid. Le croissant n'est plus que ligne.

12h18, il fait très sombre, les couleurs du ciel et du paysage sont gris foncé. La ligne de soleil est ridicule, mais suffisamment vive pour ne pas la regarder à l'oeil nu. Les gens grelottent.

12h19, l'approche de l'inconnu est excitant. Je met en garde : Ne regardez pas le soleil à l'oeil nu, ce serait con d'avoir une image rémanente au fond des yeux pendant la totale ! Merde, ça vient de nous arriver, à Claude et à moi. Heureusement, ça passe instantanément.

12h20, je ne sais plus, le petit bout de ligne de soleil disparaît complètement. On ôte les lunettes spéciales éclipse. Je me souviens maintenant que mes premières pensées et prises de conscience en les retirant sont : il fait nuit, il n'y a qu'une étoile, c'est Vénus, le soleil n'est plus qu'une lueur annulaire, le paysage. Je regarde mon bosquet d'arbres qui me sert de repère pour mes photos, une pâleur à l'horizon, tout autour de nous. Quelle obscurité de plein jour ! Plus de couleurs, il fait très sombre. L'appareil était prêt, je vise, je prends la photo, pas de temps à perdre. Je me retourne vers le soleil. Je prends conscience de la scène. Le soleil est noir, autour rayonne sa couronne en noir et blanc : des filaments comme des cheveux bougent, ondulent légèrement, prenant racine sur un liseré de lumière autour de la lune noire. Son épaisseur est équivalente au diamètre apparent du soleil. C'est fabuleux ! C'est fantastique ! Il faut m'en imprégner. Quel spectacle ! 2 minutes 14'', c'est trop court. Je regarde, je m'imprègne. Vénus, elle brille beaucoup. Je prends une photo panoramique verticale Soleil/Vénus/horizon. Plus de temps à perdre avec ça. C'est beau ! J'entends à côté de moi que l'ours en a le souffle coupé. Un regard rapide vers mes amis et ma femme, les yeux levés vers cette sublime couronne. Quelle chance d'assister à ça ! (Contemplatif, à aucun moment, je n'ai pensé à la température ou à chercher d'autres étoiles : d'après les autres, il faisait très froid et Mercure et d'autres étoiles étaient visibles). C'est beau, c'est étonnant !

12h22 et quelques, tout le monde regarde les derniers instants de la couronne solaire. J'aimerais bien que ça dure encore... Attention... Les premiers rayons de soleil nous atteignent. On a tous attendu le dernier moment, les premiers rayons pour remettre les lunettes, ou détourner les yeux. Je me retourne vers mon bosquet. En une seconde, la lumière revient, tel un grand halogène qui s'allume pour ré-éclairer le paysage.

Tout de suite après, dans la pénombre éclairée : vous avez vu ? Une pure beauté. Chacun avec ses mots essaient de décrire ce qu'il a vu, ce qu'il a ressenti ou ressent à cet instant... Personne, je crois, n'a réussi vraiment. Certains en étaient abasourdis, sans mots. Les émotions étaient là, en chacun de nous. J'espère que ces quelques mots vous font partager ce qu'on a vécu. Mais c'est une expérience unique (jusqu'à la prochaine) et personnelle, que chacun a vécu et a ressenti à sa manière.

Pendant la dernière heure d'éclipse partielle, on mange en échangeant ses impressions. Le soleil réapparaît, c'est intéressant mais déjà-vu à l'envers, pff, on ressent le bonheur à plein d'avoir vécu la totale. Les yeux ne peuvent tout de même pas s'empêcher de jeter régulièrement leur regard vers le nouveau croissant de soleil.

Plus que 10 minutes, le soleil n'est plus que rogné en bas à gauche.

Plus que quelques minutes, la fin est proche.

Plus que quelques secondes, enfin c'est ce qu'on croit, car on attend le cercle solaire parfait tout en s'exclamant : cette fois ça y est, c'est fini ! Nan, répondaient les autres. Et Claude, mesquin, qui en rajoute une gratuite : Ça y est ! J'vous dis. Nan, il reste un point. Laurent : Ça y est, moi j'vois plus rien. Nathalie et Éric Q ne veulent pas en démordre : Nan, il y a toujours un point... jusqu'au moment où tout le monde était d'accord pour dire : c'est fini. Et tout de suite après : c'est quand la prochaine ? L'une de nous, Jacqueline, nous invite au Caire en 2006. On y sera. Et d'ici là, il y en a d'autres à voir...

On s'est quitté vers 15h il me semble. Claude allait d'ici aujourd'hui mettre ses photos numériques sur le WEB.

On a bien préparé cette expédition, on a pris les bonnes décisions aux bons moments, on a eu beaucoup de chance aussi, et on l'a eue notre éclipse totale. Une grande première pour chacun de nous. Un bon jeu de mots spontané d'Eric Q : on a vu un des astres s'occulter. Et Delphine : Nostradamus et Paco Rabane peuvent aller se rhabiller ! Une éclipse comme celle-là, c'est en fait beaucoup de surprise, d'émerveillement, de joie et d'émotions.

J'espère que d'autres partageront leur expérience à celles et ceux qui n'ont malheureusement pas pu assister à l'Evénement. Et que Léo gardera ne serait-ce qu'un petit souvenir...

L'heureux José, le lendemain du 11 août 1999.