Manx

Il est des jours où on ne se remet pas des révélations qu'offre la vie
moderne. La découverte du Manx sur le web,
"whisky" de l'île de Man,
fait partie de ces moments-là. Les profanes étrangers à nos béatitudes
spiritueuses ne manqueront pas de souligner le caractère outrancier de
nos extases.
Certes, découvrir un nouveau whisky ne fait pas de nous des
Jacques Cartier mais nous ne laisserons à quiconque le loisir de dénigrer
nos émerveillements : avoir le foie d'un marin au long cours n'empêche
nullement d'être doté d'une âme d'enfant !!
Le Manx est un de ces élixirs qui vous font palper du
doigt et de la paume
le rêve de l'alchimiste qui sommeille en chacun de nous : comment transformer
la matière brute en fluide spirituel ("spirit" dans la langue de
Benny Hill)... Enluminure d'un quotidien sordide où d'autres
alchimistes oeuvrent plus sournoisement contre le bien commun (TF1
transforme la télé en lisier, Calvet transforme la planète en décharge,
Ouellebecq transforme la littérature en papier lotus, Julien Lepers la
culture en points Total...).
Or, il est une île au milieu de la mer d'Irlande où une poignée
d'irréductibles semblent avoir saisi les clés d'un art séculaire :
Kella distillers Ltd sur l'île de Man ont eu l'idée délicieusement
subversive d'offrir au monde un spiritueux original, "évolutionnaire"
comme ils se plaisent à qualifier de ce néologisme leur démarche
peu commune.
En effet, Kella Ltd a mis au point un procédé de redistillation de
whiskies de malt et de grain préalablement vieillis en fûts de chêne,
produisant ainsi un spiritueux cristallin de 40° d'alcool, clair
comme l'eau du Loch Lomond car n'ayant pas reséjourné après
distillation en fût et ainsi s'interdisant de facto l'appellation
de whisky...
Lubie facile ? Gaspillage expérimental ? Que nenni, béotiens !!!
Le Manx, s'il n'égale en aucune manière les malts écossais les plus
prestigieux par sa consistance organoleptique, n'en reste pas moins
une expérience plus que réussie et offre aux papilles averties une
onction suave et parfumée : Pêle-mêle, viennent se bousculer, non
sans un désordre confondant, des notes de fleur d'oranger, de canne
à sucre, de vanille, d'aubépine, de foin, d'herbes coupées...
Nous accorderons aux puristes une lourdeur en bouche trop singulière
pour être totalement plaisante et des essences corrompues qui fatiguent
le dégustateur plus rapidement qu'une chanson de Lara Fabian. Néanmoins
le pari est réussi, le rêve et la magie sont au rendez-vous et c'est
tout ce que l'on demande au Manx qui s'avère à coup
sûr devenir un Manx à gagner ! (Rires gras, rauques et nourris)...
Arnaud
Ce soir-là...
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